Résumé

Antonomase forgée à l’aide du célèbre personnage cervantin, le quichottisme représente cette distorsion du réel survenue après une immersion romanesque immodérée. Avant l’heure, Don Quichotte promeut simultanément l’anti-cogito, l’anti-pensée et l’anti-héros. Autrement dit, il est l’incarnation d’un modèle à abattre pour les philosophes du XVIIe siècle. Le présent article propose donc de reprendre la dénonciation du roman espagnol, lancée conjointement par Descartes et Sorel, en montrant leur double perspective critique. La confrontation de leurs méthodes respectives, établies dans le but d’extraire le lecteur des limbes de la fiction, laisse entrevoir un élément épistémologique commun : la présence d’une triple instance narrative. Dès lors, une navigation discursive dangereuse s’amorce entre la Scylla sorélienne, visant à guérir l’amateur de roman parodique par son jumeau satirique l’anti-roman, et la Charybde cartésienne, substituant à l’immersion fictionnelle, créatrice de naïveté, un pacte de lecture qui lui serait soi-disant antithétique. Ce dialogue entre les deux auteurs permet de développer plus avant l’hypothèse de John Lyons sur la récurrence du mot extravagance chez Descartes, qui semble viser Sorel. Mais construit au contact des romanciers qu’il fustige, le Discours de la méthode ne devient-il pas, à son tour, un anti-roman comme les autres ?

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