Résumé
À sa mort, Baudelaire laissait une œuvre en partie inachevée. Malgré le titre général d’Œuvres complètes donné par Banville et Asselineau à l’édition de l’œuvre poétique, critique, et des traductions d’Edgar Poe (1868–1870), nombre de textes avaient été écartés en raison de leur inachèvement ou de leur violence ; il s’agissait d’imposer durablement l’œuvre d’un poète méconnu. Par la suite, les éditeurs de Baudelaire (comme Eugène Crépet, en 1887), tout en révélant des textes écartés des Œuvres complètes, fragments posthumes ou correspondance, censurèrent les éléments qui pouvaient heurter le lecteur. L’intégralité des Journaux intimes, titre imposé par Eugène Crépet, ne sera livrée au public qu’en 1952. La publication de lettres de Baudelaire à sa mère, totalement censurée, sera retardée jusqu’en 1917, année où la Revue de Paris en livra une partie. Jacques Crépet, qui en donna, en 1918 et en 1926, une version améliorée et complétée, ne publia qu’avec précautions les lettres à Mme Aupick du 27 février 1858, où Baudelaire laisse éclater sa colère contre Ancelle. La durable et tenace hostilité des critiques fait comprendre l’intérêt de la censure stratégique pratiquée par les éditeurs de Baudelaire pendant trois quarts de siècle.